Appel pour un investissement massif dans l’extension du réseau ferroviaire européen

Lettre ouverte à la Commissaire européenne aux Transports
Train CFL passant sur le viaduc
©CFL / FLAMMANG PATRICK

 

Dans le prolongement et la continuité de ce que le Luxembourg a défendu comme position, en dernier lieu lors des vidéoconférences informelles de mars et mai, je me permets de vous solliciter directement pour plaider en faveur de dépenses dans l’infrastructure ferroviaire européenne.

Les chemins de fer contemporains sont le moyen de transport du 21ème siècle mais deux grands problèmes font obstacle au décollage des services ferroviaires en Europe et particulièrement pour les liaisons internationales malgré les avancées rendues possibles grâce aux initiatives européennes et notamment grâce aux programmes RTE-T et CEF.

Premièrement, nous sommes confrontés à un manque de cohérence et de coordination du réseau qui résulte notamment du défaut de priorité accordée aux tronçons transfrontaliers. Cette situation déplorable a notamment fait l’objet d’une analyse critique et en profondeur par la Cour européenne des Comptes.

La déclaration commune de début juin vise justement à proposer des solutions concrètes pour remédier à la première difficulté en initiant une meilleure coordination afin d’améliorer les services ferroviaires internationaux en Europe.

Deuxièmement, les chemins de fer européens souffrent d’un déficit d’investissement chronique dans les infrastructures. La sortie de la crise actuelle pourra nous servir de tremplin pour faire des sauts plus grands. La crise économique déclenchée par la pandémie du COVID19 a incité l'UE et ses États membres à proposer un certain nombre de plans de sauvetage. Des financements supplémentaires sont de ce fait libérés.

La sortie de la crise créée par le COVID19 nous offre une occasion exceptionnelle et nous devrons voir cette épreuve comme une chance pour accélérer une conversion en profondeur de la mobilité en Europe. Nous devons saisir cette opportunité.

La confrontation avec les effets de la crise sanitaire récente et la crise climatique en cours ont montré clairement aux Européens que les choses ne peuvent pas continuer comme avant. Ils ont compris que recourir à des approches dépassées ne nous amènera pas de solutions satisfaisantes, ni à court terme ni à long terme.

Nous ne devrons pas nous satisfaire de dépenser les fonds maintenant disponibles pour relancer simplement les anciens secteurs des transports, mais plutôt contribuer à améliorer vigoureusement la mobilité européenne pour tous. Les investissements publics devront avoir un effet transformateur. Les projets à financer devraient répondre à des critères clairs visant à rendre la mobilité plus durable et à sauvegarder nos normes sociales.

L’objectif ultime doit être une mobilité multimodale intelligente grâce à laquelle nous réussissons à réduire radicalement l’empreinte carbone, à améliorer la sécurité des déplacements et à rendre les transports écologiquement et socialement durables. Les transports publics doivent former l'épine dorsale de l’offre multimodale.

Par conséquent, nous considérons qu'il est essentiel de promouvoir le rôle clé des chemins de fer dans le transport international de passagers au sein de l'Union. Une offre de services ferroviaires internationaux de passagers est en outre indispensable afin de proposer une véritable alternative aux vols à courte distance au sein de l’UE. Les avancées techniques et le recours à des carburants de substitution dans l’aviation permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre mais seulement marginalement. Pour atteindre nos objectifs climatiques il est inéluctable de viser une réduction des vols intérieurs pour lesquels il existe une alternative ferroviaire qui pour l’instant est encore acceptable (après son déclin structurel dramatique suite à la libéralisation du trafic ferroviaire international à partir du 1er janvier 2010), mais qui doit être revitalisée rapidement par des investissements conséquents dans l’infrastructure et le matériel roulant sans oublier l’élément clef de l’interopérabilité.

Mon message est partant relativement simple: pour faire du train une véritable alternative à l’avion et à la voiture il faut investir massivement dans l’infrastructure ferroviaire. Surtout dans les tronçons stratégiques clés et notamment transfrontaliers qui nécessitent d’être mis en place en priorité, dans le but de réaliser un réseau ferroviaire européen complet, digital et étendu. Le calendrier prévu actuellement pour compléter le réseau transeuropéen de transport devra aussi être revu pour le rendre nettement plus ambitieux.

Pour la mobilité intra-européenne il ne faut pas une réanimation mais une renaissance !

Finalement, je ne peux pas m’exprimer sans perdre un mot sur la mobilité active et surtout le vélo. Les restrictions applicables durant les périodes de confinement dans les transports publics ont permis à de nombreuses personnes de découvrir les avantages de se déplacer à vélo, notamment son indépendance et son efficacité.  En 2017 un projet pour une stratégie européenne pour le vélo a été remise à la Commissaire Violeta Bulc. Malgré l’enthousiasme encadrant cette initiative et certaines améliorations ponctuelles relatives à la prise en compte du vélo comme mode de transport, le constat global reste malheureusement plutôt décevant. Afin d’atteindre nos objectifs climatiques en particulier mais aussi pour de multiples autres bonnes raisons comme l’économie d’espace urbain, la création d’emplois locaux ou les bénéfices avérés pour la santé, l’Europe ne peut pas poursuivre une politique des transports qui ignore en grande partie un mode de transport qui s’inscrit parfaitement dans l’air du temps et se trouve en adéquation parfaite avec les grandes lignes de la politique européenne. En omettant de l’inclure dans les concepts de mobilité on perd le potentiel réel que la mobilité active pourrait contribuer rapidement et à moindre coût aux politiques climatiques, des transports ou de santé publique. Je plaide en faveur d’une transposition complète et imminente de la stratégie européenne du vélo.

La réforme de la réglementation RTE-T devrait pleinement prendre en compte ces considérations afin de faciliter une mise en œuvre plus rapide d’une mobilité multimodale durable et responsable.

Je suis disponible pour discuter de ce qui précède en bilatéral ou dans un cadre élargi.

 

François Bausch

Vice-Premier ministre
Ministre de la Mobilité et des Travaux publics

 

 

Train CFL passant dans une forêt
©CFL

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